S'aimer soi-même

Publié le par Ange Baldomero

Varanasi (Bénarès) Photo : Julie PM

Varanasi (Bénarès) Photo : Julie PM

Habituellement, on donne la solution à la fin de l’histoire mais je ne peux résister à vous offrir d’entrée le secret de la vie : Il faut s’aimer soi-même.

Vivre, c’est faire des choix. Si vous ne vous aimez pas, vous ne ferez que des mauvais choix. Si vous vous aimez, vous accepterez d’être aimé, d’être heureux et en bonne santé, de réussir et de profiter de chaque instant et surtout, vous pourrez aimer la vie et les autres. Et vous ne serez pas obliger de rivaliser avec les autres, de vous comparer, d’essayer d’être le meilleur ni de leur dire quoi faire et quoi penser.

La vie démarre dans l’ignorance et notre seule certitude est qu’il existe au moins une personne qui nous aime et sans qui nous ne pourrions vivre, notre mère, une louve ou une nounou. Il existe un amour infini et nous gardons éternellement en nous ce goût de l’amour infini. Mais la vie est en contradiction avec ce sentiment d’infini car la vie est finie et faite d’imperfections, de manque, de raté, d’amour déçu ou impossible et cette idée qu’au bout de l’histoire, seul le vide nous attend.

La mort, elle, est comme la naissance, un passage entre deux mondes. À chaque mort, il reste des regrets de ce que nous n’avons pas eu le temps de faire et une envie de revenir réparer. Mais on est surtout soulagé de ne plus avoir à subir la bêtise et la méchanceté des humains de cette planète. Et il reste des sensations. La sensation de ce jour où l’être aimé est apparu et celles ressenties à chaque naissance. Le passé laisse des traces. On oublie le montant de notre compte en banque et la position que nous occupions sur l’échelle sociale. On oublie si les autres avaient peur de nous ou s’ils nous jalousaient, s’ils nous ignoraient ou nous détestaient. On se souvient seulement des instants dans lesquels on s’est senti aimé et ceux où on a aimé.

Dieu a créé un monde d’amour. Mais, créant la vie, il a nécessairement crée le manque. La faim pour le plaisir de manger et la soif pour le plaisir de boire et le désir pour le plaisir d’aimer et la peur pour le plaisir d’être aimé. La peur a rapidement pris le dessus. Et si je ne trouvais pas à manger, à boire, à aimer et à être aimé ? Alors, l’homme a organisé un monde où il accumule les richesses par peur de manquer. Toutes les nourritures et tant pis si le reste de la planète meurt de faim, et toute l’eau et toutes les jolies femmes et tant pis si tous les autres meurent d’un monde sans amour. La peur de ne pas être aimé a pris le dessus et comme on ne peut jamais être aimé de façon absolue, on ne l’est jamais assez.

Nous vivons dans un monde fini mais ressentons en nous un amour infini qui nous échappe et c’est pourquoi l’homme a inventé Dieu. Dieu, c’est l’amour infini en nous, humains finis. Il faut donc savoir pratiquer deux façons opposées de vivre : Accepter que la vie soit constituée d’évènements finis avec un début, un milieu et une fin et que rien ne puisse nous remplir. Et savoir retrouver au fond de nous cette intime connaissance de l’infini de notre origine, de notre expression permanente et de notre éternité. Dieu, c’est-à-dire la nature, et l’Amour, c’est-à-dire les autres nous reconnectent parfois à l’absolu. À chaque fois que nous revivons ce jour-là, où l’amour nous est tombé dessus, homme ou femme, ou à chaque naissance d’un enfant, nous oublions que les événements de nos vies ne sont que temporaires et donc finis et nous retrouvons le goût de l’infini et de l’intemporel car ce jour-là est unique, éternellement.

Vous pouvez compter vos billets de banque mais vous ne pouvez mesurer la joie de nager ou de courir. Vous pouvez mesurer la puissance de votre réussite mais rien ne remplacera un baiser de votre enfant. Vous pouvez montrer sur une carte, le territoire que vous avez conquis mais pas la jouissance ressenti en faisant l’amour, le calme qui vous a envahi lors de cette promenade en forêt, l’émotion qui vous a submergé quand cette main a pris votre main. La vie n’est pas quantifiable, ni en argent ni en nombre d’années. Le rouge a une longueur d’onde qui varie entre 620 et 781 nanomètres mais ça n’a pas de sens d’y penser, regardant ce soleil qui se lève, rouge comme le sang qui circule en nous, rouge comme les coquelicots de notre enfance. La vie est quand nous sommes nous-mêmes, mais nous le sommes si peu. La première fois où j’ai été moi, dans cette vie où j’écris, j’étais avec ma mère et j’étais la perfection de moi, heureux, entier, absolu, éternel. Puis j’ai été moi quand j’ai eu peur, totalement moi, car je l’avais perdue. J’étais totalement moi, mortel, morcelé, vide, torturé, endolori et paniqué. J’ai été moi quand j’ai eu peur de mon père et du monde extérieur et j’ai été moi quand je jouais dans le jardin, entre les fleurs et les papillons, avec les hérissons et les fourmis, avec les arbres et les chenilles, avec la rhubarbe et les mulots qui traversaient pour aller retrouver leurs enfants et quand mon père m’a enfin donné la main.

J’ai commencé à ne pas être moi quand je devais me taire, à table, car mon père en avait décidé ainsi et à ne pas être moi dans cette salle de classe, à me taire, car mon instituteur en avait décidé ainsi. J’étais moi quand je jouais et pas moi quand on m’interrompait alors que j’observais par la fenêtre la danse des nuages pour me demander « Combien font 9,61 multipliés par 151 et que reste-t-il après avoir retiré charges et impôts ? »

Et j’ai compris que je n’étais pas moi la première fois où je suis tombé amoureux et que je n’ai pas osé la prendre dans mes bras et l’embrasser. Par la suite, j’ai vécu trois vies en parallèle : Celle où j’étais moi, quand je jouais. Celle où je n’étais pas moi, quand j’obéissais aux maîtres. Celle ou je croyais être moi mais ne faisait que subir la volonté de mon inconscient qui souhaitait que j’échoue, juste pour me protéger.

Aujourd’hui, après beaucoup de souffrance (et de joie) et de travail sur moi, je continue à n’aimer que les instants où je suis moi, à jouer, comme en ce moment où je vous écris. Je suis même moi quand je n’aime pas les moments où je dois me plier aux exigences du monde extérieur. Et je sais rapidement voir quand je m’embarque dans une situation où je ne suis pas moi.

Je n’étais pas moi quand je croyais vouloir être psy et vous soigner alors que je ne sais rien de la vie et que j’ai si peur de blesser l’autre. Je ne suis pas moi quand je vous dis quoi faire alors que je n’en sais rien en dehors d’une certitude : il faut d’abord s’aimer soi-même.

Je suis totalement moi quand je vous dis qu’il faut d’abord s’aimer soi-même. Tout le reste en découle et vous aimerez la vie et vous n’aurez qu’une règle de conduite, la gentillesse et la douceur, la tendresse et le pardon, la compassion et la joie, l’amour.

Et nous n’avons qu’un seul ennemi : la peur. La peur de perdre notre mère, que Dieu se soit détourné de nous, qu’un autre prenne notre place. Alors nous devenons agressif et envieux et créons des lois nous assurant de conserver ce qui nous appartient et cherchant à nous protéger des autres, des étrangers et de ceux qui ne pensent pas comme nous, ne sont pas comme nous, n’ont pas le même nom de Dieu que nous. Nous accumulons les richesses pour ne plus avoir peur et comme nous n’avons pas assez, nous prenons aux autres, même si nous avons déjà trop mais demain nous fait peur. Peur de perdre notre mère nourricière et notre Père aux cieux qui nous oublie parfois. Notre frère n’est plus que celui qui vise notre place, avec qui ne pas partager, avec qui se battre si son offrande est plus appréciée que la notre, qu’il faudra tuer pour rester seul à être aimé, de Dieu ou de notre mère, ce qui revient au même. Alors pour ne plus être dépendant de l’amour d’une mère, d’un autre ou de Dieu, il faut d’abord s’aimer soi-même inconditionnellement.

Je commence à m’aimer et c’est pourquoi je n’ai pas peur de partager ce secret avec vous car vous ne pouvez rien me prendre, alors je peux tout vous donner !

Publié dans Pensées

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article