Suis-je normal ?

Publié le par Ange Baldomero

Curieusement, la première question qui se pose en analyse est : « Suis-je normal ? »

On pourrait penser qu’on se demanderait d’abord si l’on peut guérir, moins souffrir, être heureux… mais ici, tout va à l’envers.

On imagine que si l’on est fou, il est impossible de guérir et que pour guérir, il faudrait être normal. (Si je suis fou, rien ne pourra me sauver puisque ce monde interne les fous afin de les surveiller, voire de les punir. (

On se dit que si nous sommes normaux, alors il suffira de s’accorder aux règles de la société.

Mais si l’analyse nous accorde à ce monde qui est fou, alors, nous finiront dans ce qu’il y a de  pire, l’armée, une administration, un bureau ou une banque.

L’analyse est un voyage initiatique à rebours, dans sa propre histoire, dans son passé inventé à chaque instant présent.

Je dis bien son passé inventé à chaque instant.

Lacan disait : « Il n’y a pas de retour du refoulé, il n’y a que du refoulement »

Ce n’est pas mon passé qui pourrit mon présent ;

C’est mon présent qui n’arrive pas à le dépasser.

Et mon premier acte fondateur est de comprendre qu’être normal dans ce monde, c’est être fou et que si je suis le même fou que tous ces humains qui ignorent leur véritable nature alors je serais malade.

Aliéné à la folie des hommes et des lois pas toujours naturelles, qu’être normal, ici, est le contraire d’être sain.

Ce monde veut nous faire croire qu’être normal, c’est être lisse et travailler beaucoup pour gagner beaucoup d’argent et surtout pour en faire gagner beaucoup aux actionnaires qui nous gouvernent.

Cette société veut nous faire croire qu’être normal, c’est être comme tout le monde alors que tout le monde est différent de tout le monde.

Qu’être normal c’est être le premier, alors que même si nous n’étions que deux, un seul d’entre nous pourrait respecter cette norme exigée d’être le premier, et ça ferait de l’autre un anormal !

Qu’il faut surveiller son voisin afin qu’il ne dévie pas de l’ordre paranoïaque qu’ont installé les prêtres et les Rois qui décideront de sa punition !

Les autres veulent nous faire croire qu’ils sont tout à fait normaux et que nos différences font notre folie.

Heureusement ! Ma folie est ma normalité et l’autre est fou pour moi, d’être différent.

C’est d’ailleurs pour ça que nous pouvons nous entendre d’être tous fous, puisque tout cela est normal.

Je suis fou car je suis moi et personne d’autre.

Certains penseurs comme Deleuze et Guattari ont même soumis l’idée que la schizophrénie pouvait être une réponse à la paranoïa du monde.

Mon analyste, lui, avait une métaphore musicale à propos de la folie, peut-être parce que je démarrais le piano en même temps que l’analyse : « Les notes de musique n’ont aucun sens sans une portée et sans une clé »

Ce qui donne le sens, c’est une portée qui définit les rapports entre les notes, un monde symbolique où un ton sépare un Do d’un Ré et où seulement un demi-ton sépare un Mi d’un Fa, et une clé qui précise que cette note qui se croyait un Do en clé de Sol, est en fait un Mi en clé de Fa.

La folie peut donc être, soit celle d’une note qui ne trouve pas sa place sur une portée, soit celle d’une mauvaise clé du monde qui nous oblige à en chercher une autre.

À cette première question je réponds :

Heureusement, je ne suis pas normal et d’être fou me permettra un jour, d’être sain.

Ce monde n’est pas celui qu’on veut me faire croire.

Je me suis senti seul car j’étais dans l’illusion.

Je ne suis ni fou, ni normal.

Je suis cela !

Publié dans Analyse

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