Photos

Publié le par Ange Baldomero

On sait bien qu’une ligne est toujours discontinue, simplement une suite de points qui nous donne l’illusion d’une continuité.

On sait bien que le temps aussi est discontinu, simplement une suite d’instants qui nous donne l’illusion d’une cohérence.

Les souvenirs écrans représentent une tranche de notre vie et en masquent la partie refoulée.

Comme une photo d’identité est censée nous représenter, nous sommes une suite d’instantanés qui font l’illusion d’une vie.

Concernant ma vie, il faudrait une photo de moi un jour d’orage, collé à ma mère.

Une photo dans mon arbre, une dans mon jardin et une couché au milieu des blés.

La suite est moins agréable : une photo à l’école où je regarde par la fenêtre et une autre dans la cour où je regarde les autres jouer.

Une photo de moi, seul dans ma chambre, allongé sur mon lit, écoutant de la musique triste et une où je regarderais, fasciné, celle que j’aime, en faisant bien attention de ne pas être vu.

Il faudrait aussi une photo de moi en sueur et en pleurs.

Puis une autre photo où je serais derrière un ordinateur à travailler pour faire gagner de l’argent à des humains que je n’aime pas.

Il faut attendre la photo de moi où j’attends sous tension l’heure du rendez-vous avec mon psy pour que ma vie reprenne un cours plus agréable.

Il ne faudra surtout pas oublier la photo où je me promène dans une forêt et celle où je marche sur une plage, seuls instants d’éternité.

Et avant d’accrocher au mur la photo d’un enfant, il faut une photo de moi, sortant de chez mon analyste avec un sourire aux lèvres.

Inutile de s’intéresser à celle représentant ma mort, car la mort est un passage,

aucune image ne peut la représenter.

Imaginez plutôt un film, une barque sur une rivière, une douceur

et une lumière divine.

Publié dans Analyse

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