C'est quoi le bonheur ?

• « C’est quoi le bonheur ?
• C’est une question de bac de philo ?
• Non, c’est la seule question à se poser.
• Et c’est quoi ?
• C’est quand tu ne te poses pas la question !
• Je ne suis pas là où je pense ; je suis là où je ne pense pas.
• Exactement ! La vie vie est une tautologie, penser c’est penser, et vivre, c’est…
• Vivre.
• C’est quoi le contraire du bonheur ?
• Le malheur ?
• Non !
• C’est l’absence de bonheur.
• L’obscurité, c’est l’absence de lumière, le froid, l’absence de chaleur, le mal, l’absence de bien, mais là, c’est le contraire.
• L’absence de malheur n’est pas le bonheur.
• Oui, c’est préférable, mais ce n’est pas le bonheur.
• Et l’inverse est vrai. L’absence de malheur est la même chose que l’absence de bonheur. Ouf ! Ça va ! mais qu’est-ce que je m’ennuie.
• Ça me fait penser à la blague : avant j’avais des hauts et des bas ; maintenant c’est fini, mais ce que je regrette, c’est les hauts.
• Entre le jour et la nuit, le malheur et le bonheur, on ne pense jamais à ce qui qui se passe entre. À tous les instants où l’obscurité laisse place à la lumière puis à tout le chemin de l’aube au zénith puis du zénith au crépuscule.
• Le temps !
• Oui. La durée. Il n’y a pas l’absolu du malheur ni celui du bonheur ; il y a toutes les étapes intermédiaires, dans le noir, un peu de lumière, dans la joie, un peu de tristesse.
• Mais justement, le bonheur doit être absolu ou n’est pas.
• Si tout est inabsolu, le bonheur n’existe pas.
• Le bonheur, c’est le tout !
• Exactement, in ou off. Il n’y a pas d’intermédiaire. Elle est là, il y a tout ; elle est absente, il n’y a rien.
• C’est le Fort-Da, la présence ou l’absence de la mère.
• Oui, quand elle disparait, tout est perdu, puis elle revient et la lumière se rallume et on finit par goûter les joies de son retour et même celles de son absence car on sait qu’elle reviendra.
• Donc, il y a toutes les étapes intermédiaires entre la nuit et le jour.
• Oui, mais je persiste à dire que le bonheur doit être le « Tout », ce que tu appelles l’ « Un ».
• Alors, il ne peut y avoir que des instants de bonheur.
• Oui. Parfois fugaces, mais le vrai bonheur, c’est quand tout le reste a disparu.
• Je crois qu’on mélange deux signifiés pour un même signifiant, d’un coté le bien-être que l’on vit dans la durée, dans un mélange d’ataraxie et de béatitude, et de l’autre la jouissance de l’absolu, hors du temps.
• Peut-être. La présence du « Tout », de l’« Un », de sa mère, enfant, plus tard de l’être aimé, le D.ieu du mystique ou l’extase du drogué, sans rien qui ne manque, l’amour, plus l’amour qui manque à tout amour dans la vraie vie.
• Le bonheur est un truc de psychotique ?
• Oui, l’amour et le bonheur n’ont rien à voir avec la raison et le temps, et le bonheur doit être absolu ou porter un autre nom.
• La félicité ?
• D’accord. Celui qui se vit dans la durée, c’est la félicité ; le bonheur, lui, est un instant hors du temps.
• Oui, la peur qui pourrit nos vies, tu sais que notre cerveau est programmé pour se souvenir des mauvaises expériences plus que des bonnes dans l’idée de favoriser notre survie, ce qui nous amène à toujours nous attendre au pire plutôt qu’au meilleur, donc la peur, construite sur les mauvaises expériences passées, est liée au futur, la tristesse est liée forcément au passé puisque on se souvient de ce qui s’est mal passé mais que même si l’on pense à des événements joyeux, ils sont par nature passés, le bonheur lui, ne peut être lié qu’au présent.
• Le bonheur, c’est quand le temps s’absente.
• Alors, si D.ieu s’est manifesté, ce n’est pas pour nous faire connaitre le bonheur qui est hors du temps, « Tout », « Un », ça c’est le monde non-manifesté, si D.ieu s’est manifesté, c’est afin de nous faire connaitre la connaissance du malheur à celle de la joie et la félicité, afin de nous faire connaitre la vie.
• Et de temps en temps, ces instants, fugaces où on se rappelle d’où l’on vient, du « Tout », ou de l’« Un », ces instants, hors du temps et absolus, de bonheur. »